— Pour sûr que la bourgeoisie est pourrie ! Ça s’est vu du reste dans l’affaire Dreyfus.
Et il s’en alla déjeuner.
Alors, soit qu’en son léger sommeil un songe eût effrayé son âme obscure, soit qu’épiant, à son réveil, la retraite de l’ennemi, il en prît avantage, soit que le nom qu’il venait d’entendre l’eût rendu furieux, ainsi que le maître feignit de le croire, Riquet s’élança la gueule ouverte et le poil hérissé, les yeux en flammes, sur les talons de Roupart qu’il poursuivit de ses aboiements frénétiques.
Demeuré seul avec lui, M. Bergeret lui adressa, d’un ton plein de douceur, ces paroles attristées :
— Toi aussi, pauvre petit être noir, si faible en dépit de tes dents pointues et de ta gueule profonde, qui, par l’appareil de la force, rendent ta faiblesse ridicule et ta poltronnerie amusante, toi aussi tu as le culte des grandeurs de chair et la religion de l’antique iniquité. Toi aussi tu adores l’injustice par respect pour l’ordre social qui t’assure ta niche et ta pâtée. Toi aussi tu tiendrais pour véritable un jugement irrégulier, obtenu par le mensonge et la fraude. Toi aussi tu es le jouet des apparences. Toi aussi tu te laisses séduire par des mensonges. Tu te nourris de fables grossières. Ton esprit ténébreux se repaît de ténèbres. On te trompe et tu te trompes avec une plénitude délicieuse. Toi aussi tu as des haines de race, des préjugés cruels, le mépris des malheureux.
Et comme Riquet tournait sur lui un regard