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Saint-Jacques, à l’atelier. On en voit des uns et des autres, des gros et des maigres. En rabotant mes planches, j’entendais Pierre qui disait : « Cette canaille de Bergeret ! » Et Paul lui demandait : « Est-ce qu’on ne lui cassera pas la gueule ? » Alors j’ai compris que vous étiez du bon côté dans l’Affaire. Il n’y en a pas beaucoup de votre espèce dans le cinquième.

— Et que disent vos amis ?

— Les socialistes ne sont pas bien nombreux par ici, et ils ne sont pas d’accord. Samedi dernier, à la Fraternelle, nous étions quatre pelés et un tondu et nous nous sommes pris aux cheveux. Le camarade Fléchier, un vieux, un combattant de 70, un communard, un déporté, un homme, est monté à la tribune et nous a dit : « Citoyens, tenez-vous tranquilles. Les bourgeois intellectuels ne sont pas moins bourgeois que les bourgeois militaires. Laissez les capitalistes se manger le nez. Croisez-vous les bras, et regardez venir les antisémites. Pour l’heure, ils font l’exercice avec un fusil de paille et un sabre de bois. Mais quand il s’agira de procéder à l’expropriation des capitalistes, je ne vois pas d’inconvénients à commencer par les juifs. »

» Et là-dessus, les camarades ont fait aller leurs battoirs. Mais, je vous le demande, est-ce que c’est comme ça que devait parler un vieux communard, un bon révolutionnaire ? Je n’ai pas d’instruction comme le citoyen Fléchier, qui a étudié dans les livres de Marx. Mais je me suis bien aperçu qu’il ne raisonnait pas