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» Nous attendons, nous appelons un changement plus merveilleux encore. Un jour viendra où le patron, s’élevant en beauté morale, deviendra un ouvrier parmi les ouvriers affranchis, où il n’y aura plus de salaire, mais échange de biens. La haute industrie, comme la vieille noblesse qu’elle remplace et qu’elle imite, fera sa nuit du 4 Août. Elle abandonnera des gains disputés et des privilèges menacés. Elle sera généreuse quand elle sentira qu’il est temps de l’être. Et que dit aujourd’hui le patron ? Qu’il est l’âme et la pensée, et que sans lui son armée d’ouvriers serait comme un corps privé d’intelligence. Eh bien ! s’il est la pensée, qu’il se contente de cet honneur et de cette joie. Faut-il, parce qu’on est pensée et esprit, qu’on se gorge de richesses ? Quand le grand Donatello fondait avec ses compagnons une statue de bronze, il était l’âme de l’œuvre. Le prix qu’il en recevait du prince ou des citoyens, il le mettait dans un panier qu’on hissait par une poulie à une poutre de l’atelier. Chaque compagnon dénouait la corde à son tour et prenait dans le panier selon ses besoins. N’est-ce point assez de produire par l’intelligence, et cet avantage dispense-t-il le maître ouvrier de partager le gain avec ses humbles collaborateurs ? Mais dans ma république il n’y aura plus de gains ni de salaires et tout sera à tous.

— Papa, c’est le collectivisme, cela, dit Pauline avec tranquillité.

— Les biens les plus précieux, répondit M. Bergeret, sont communs à tous les hommes, et le