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des œuvres de chacun à tous, c’est la belle bonté, c’est le geste harmonieux de l’âme qui se penche comme un vase plein de nard précieux et qui se répand en bienfaits, c’est Michel-Ange peignant la chapelle Sixtine, ou les députés à l’Assemblée nationale dans la nuit du 4 août ; c’est le don répandu dans sa plénitude heureuse, l’argent coulant pêle-mêle avec l’amour et la pensée. Nous n’avons rien en propre que nous-mêmes. On ne donne vraiment que quand on donne son travail, son âme, son génie. Et cette offrande magnifique de tout soi à tous les hommes enrichit le donateur autant que la communauté.

— Mais, objecta Pauline, tu ne pouvais pas donner de l’amour et de la beauté à Clopinel. Tu lui as donné ce qui lui était le plus convenable.

— Il est vrai que Clopinel est devenu une brute. De tous les biens qui peuvent flatter un homme, il ne goûte que l’alcool. J’en juge à ce qu’il puait l’eau-de-vie, quand il m’approcha. Mais tel qu’il est, il est notre ouvrage. Notre orgueil fut son père ; notre iniquité sa mère. Il est le fruit mauvais de nos vices. Tout homme en société doit donner et recevoir. Celui-ci n’a pas assez donné sans doute parce qu’il n’a pas assez reçu.

— C’est peut-être un paresseux, dit Pauline. Comment ferons-nous, mon Dieu, pour qu’il n’y ait plus de pauvres, plus de faibles, ni de paresseux ? Est-ce que tu ne crois pas que les hommes sont bons naturellement et que c’est la société qui les rend méchants ?