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Alors seulement l’inculpé Crainquebille tira de sa vieille gorge un bruit de ferraille et de carreaux cassés.

— J’ai dit : « Mort aux vaches ! » parce que M. l’agent a dit : « Mort aux vaches ! » Alors j’ai dit : « Mort aux vaches ! »

Il voulait faire entendre qu’étonné par l’imputation la plus imprévue, il avait, dans sa stupeur, répété les paroles étranges qu’on lui prêtait faussement et qu’il n’avait certes point prononcées. Il avait dit : « Mort aux vaches ! » comme il eût dit : « Moi ! tenir des propos injurieux, l’avez-vous pu croire ? »

M. le président Bourriche ne le prit pas ainsi.

— Prétendez-vous, dit-il, que l’agent a proféré le cri le premier !

Crainquebille renonça à s’expliquer. C’était trop difficile.

— Vous n’insistez pas. Vous avez raison, dit le président.

Et il fit appeler les témoins.

L’agent 64, de son nom Bastien Matra, jura de dire la vérité et de ne rien dire que la vérité. Puis il déposa en ces termes :

— Étant de service le 20 octobre, à l’heure de midi, je remarquai, dans la rue Montmartre, un individu qui me sembla être un vendeur ambulant et qui tenait sa charrette indûment arrêtée à la hauteur du numéro 328, ce qui occasionnait un encombrement de voitures. Je lui intimai par trois fois l’ordre de circuler, auquel il refusa d’obtempérer. Et sur ce que je