Page:Franc-Nohain - Les Mémoires de Footit et Chocolat, 1907.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

correction toute britannique, tandis qu’on reconnaît Chocolat ; les tout petits le montrent au doigt : « Maman ! Totolat ! » On se trompe même parfois et certains nègres qui n’y ont aucun droit, bénéficient ainsi de la popularité de leur congénère !

Vous allez donc apprendre comment le jeune Footit et le jeune Raphaël (c’est le vrai nom de Chocolat) parvinrent au sommet de leur art. Vous trouverez dans ce récit où tout est vrai un reflet de certains romans qui vous passionnèrent, tel Sans famille — avec cette énorme différence pourtant, qu’il s’agit ici de personnages en chair et en os et d’une histoire vécue.

Footit est un novateur ; il invente les histoires qui nous amusent tant. Exemple unique de clown complet, réunissant l’agilité et l’esprit : il sait exécuter à merveille un saut périlleux et trouver un mot qui fait éclater de rire. Il est aussi et surtout, peut-être, un mime prodigieux. Vous vous souvenez de lui en Pierrot-soldat, tremblant de peur devant sa guérite, avec un terrible fusil qui l’embarrasse.

Chocolat, lui, remplace à la fois Auguste qui n’amusait que par sa gaucherie et son inutilité, et l’écuyer qui donnait seul, jadis, la réplique au clown. Cet écuyer était trop beau, trop bien coiffé, trop correctement sanglé dans son habit pour jouer avec conviction un rôle d’idiot. Ainsi, le clown traçait un rond, mettait l’écuyer au milieu et se plaçait à côté de lui, puis il disait :

— Il y a deux hommes dans ce rond : un intelligent et un imbécile.

— Oui, clown.

— Si l’intelligent s’en va qui est-ce qui reste ?

— L’imbécile !

En parlant, le clown sortait sournoisement du rond et l’écuyer y restait, mais avec un sourire supérieur. Il n’était pas, avec conviction, l’imbécile annoncé par le clown ! Chocolat, au contraire, prouve une fois de plus « qu’il ne faut pas être bête pour faire la bête ». Il essuie des gifles comme s’il avalait des éclairs au café et ne s’étonne pas de recevoir trente coups de poing dans les côtes