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Hélas ! la chair est faible, — non pas la chair de boucherie, mais celle d’un petit nègre qui, il y a quelques mois à peine, se roulait dans tous les ruisseaux de la Havane ! — la chair est faible et la route était longue, de la ferme des Castanio jusqu’à la demeure du boucher !

La route était longue et fertile en jeunes polissons qui, pour être de Castrosopuelta, ne s’en seraient pas laissé remontrer par leurs collègues havanais !… Quatorze francs ! Raphaël avait, sur lui, quatorze francs, que lui avait confiés la vieille dame ? Que ne peut-on faire avec quatorze francs !… Tout de même, on ne saurait acheter pour quatorze francs de sucre d’orge et de billes ; seulement, quand Raphaël eut été lâchement et malhonnêtement entraîné à dépenser quelque quarante sous, il ne pouvait cependant plus aller chez le boucher, puisqu’il n’avait plus la somme complète pour acquitter sa note…

C’est alors qu’un autre chenapan de son âge lui offrit la chance de compléter à nouveau la somme : on allait jouer à pile ou face, et peut-être ainsi regagnerait-il ses quarante sous ?…

Raphaël ne regagna rien, et, bien pis, il perdit jusqu’à son dernier centime, — ou plus exactement, jusqu’à son dernier maravédis (puisque cela se passait en Espagne)…

Oh ! la minute lamentable où le misérable et infortuné Raphaël se trouva, à mi-chemin entre le village et la maison de ses maîtres, sans un maravédis vaillant !