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rière future : des gifles, c’est, en effet, à peu près tout ce qu’elle lui donnait…

Et Raphaël grandissait comme il pouvait, dans ce populeux faubourg de la Havane où la négresse avait sa case, et où, du matin au soir, il vagabondait et bataillait avec toute la fine fleur des galopins, ses pareils.

Pour être un des plus dépenaillés, et non des mieux nourris, le gamin n’en était pas moins un des plus robustes ; et comme un jour un autre polisson du quartier s’était avisé de l’appeler : « Sale nègre ! » Raphaël (il devait avoir, alors, de huit à dix ans) notre Raphaël tombe sur l’insulteur à bras raccourcis, roule avec lui dans le ruisseau et commence à lui administrer une raclée telle, qu’il ne fallut rien moins que l’intervention d’un passant pour les séparer.

Le passant, très bien, important, avec une belle canne, une grosse chaîne de montre, et un grand chapeau gris de planteur : Chocolat le voit encore, devant ses yeux, comme si c’était hier, — le passant s’informe du motif de la rixe, examine Raphaël, l’interroge, apprend qu’il est seul au monde, à la charge d’une mère d’adoption, et brusquement, comme se décidant :

— Où habite-t-elle, ta mère de lait ? Mène-moi chez elle !

La case n’était pas loin ; quand la négresse voit arriver Raphaël en compagnie de ce Monsieur très bien, de ce personnage, elle ne doute pas que le petit ait fait quelque mauvais coup, et déjà se lève sa main vengeresse…

— Il ne s’agit pas de cela, dit l’homme : je te l’achète, combien en veux-tu ?

La négresse n’en croit pas ses oreilles, elle se fait répéter la proposition,