au même instant leur mouchoir de leur poche, et que, s’il en autorisait un à se moucher, il serait bien obligé d’accorder pareille autorisation aux trente-neuf autres ; en vain lui eût-on objecté qu’il semblait peu vraisemblable qu’un même besoin de se moucher prît au même instant précis l’unanimité de la classe ; cet homme de principe et de devoir n’en eût point voulu démordre, et c’est ainsi qu’un seul élève n’était pas laissé libre de se moucher quand il en avait besoin, pour ne pas attenter à la liberté de se moucher que ne songeaient pas à réclamer, mais que n’auraient pu exercer les trente-neuf autres.
C’est une grande duperie de la part d’un gouvernement quel qu’il soit d’annoncer avec fracas dans ses déclarations, ses professions de foi et programmes, qu’il assurera la liberté de tous les citoyens. La liberté de tous est faite d’un morceau de la liberté de chacun ; le propre du gouvernement est précisément d’agencer, d’organiser tous ces morceaux de liberté individuelle, mais pour cela, et d’abord, d’en opérer le morcellement, de les prendre, de les confisquer au bénéfice de la communauté.
Gouverner, c’est ordonner ; voyez-vous un commandant de troupe qui tiendrait ce langage à ses hommes :
— Soldats ! vous êtes libres : à droite par quatre !…