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Aussi seule je puis raconter cette histoire,

J'ai fourni le papier, la plume et l'écritoire. 1775 Et j'eusse encor plus fait ; mais Madame voulut

Par force en se perdant procurer mon salut :

Car si pour son égard je me fusse aveuglée

Voulant la secourir, Golo m'eût étranglée.

L'AMBASSADEUR

L'enragé ! Mais encor sachons par le menu 1780 L'honnête procédé que vous avez tenu.

GERMAINE

.

Quand le Prince eut commis cet injuste supplice

De Madame, à Golo, surpris par la malice,

Et pour l'exécuter l'eût dépêché devant ;

Ma mère, sa Nourrice, en eut le premier vent 1785 Par son droit de Geôlière ; à l'abord de laquelle

(Sous le secret enjoint) j'appris cette nouvelle ;

Soit que ma mère alors en ce dessein pressé

D'un tel assassinat, sentît son cour blessé,

Soit qu'elle eût résolu (pour n'être point émue 1790 De ce funeste objet) en détourner la vue,

Elle m'ouvrit la Tour, et prit l'occasion

De me charger du port de sa provision.

J'entrai, et regardant cette pauvre accouchée

Qu'on allait égorger, je me sentir touchée 1795 D'un regret si pressant, que lui mettant en main

L'eau que je lui portais avec un peu de pain,

Et n'ayant en l'esprit que cette mort cruelle

D'elle et du beau Poupon qui suçait sa mamelle,

D'un mouvement soudain l'effort de mes douleurs 1800 Fit débonder mes yeux en deux torrents de pleurs.

Madame en me voyant à ce point désolée,

Par mon tremblement se sentit ébranlée,

Et voulut s'enquérir quel sujet m'obligeait

À cette affliction dont elle s'affligeait. 1805 Sa pitoyable voix derechef me fit fondre,

Et demeurer longtemps sans pouvoir lui répondre :