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De pécher, pour mourir ; C'est moi qui suis coupable :

Ne versez pas un sang qui n'est pas criminel,

Et lavez son malheur dans le sang maternel. 1645 Qu'a fait mon pauvre enfant, pour servir de victime

À l'injuste rigueur du soupçon de mon crime ?

Il n'en faut point mentir, ces pitoyables cris

Retinrent en suspens nos corps et nos esprits :

Nos bras comme étourdis d'un éclat de tonnerre, 1650 De leurs glaives lâchés firent leurs coups en terre.

Mon compagnon et moi prenons quelque repos,

Nous regardons l'un l'autre, et changeons de propos :

Camarade, lui dis-je, il faut voir si nous sommes

En ce terrible accident des démons ou des hommes. 1655 Faut-il faire périr par nos sanglantes mains,

L'innocente beauté de deux Anges humains ?

Sommes-nous pas honteux de nos valeurs infâmes,

Qu'on emploie à tuer des enfants et des femmes ?

Pour moi je me rappelle, et suis persuadé 1660 Que l'Intendant a tort en tout ce procédé :

Car quand même la mère aurait été coupable,

Son enfant innocent serait-il punissable ?

Mais à voir l'attentat contre cet Enfançon,

La mère n'a failli que par un faux soupçon ? 1665 Et je ne pense pas que la Nature ait faite

Dedans un corps si beau, une âme plus parfaite.

Qu'avons-nous jamais vu qui puisse avoir taché

Ce miroir de beautés par le moindre péché ?

Pouvons-nous donc souffrir qu'une injuste disgrâce 1670 Fasse perdre en nos mains la splendeur de sa glace ?

CLOTILDE

Qui ne s'attendrirait pas d'un semblable discours ?

Un Dragon, un Lyon, un Tigre, un Loup, un Ours,

Et votre compagnon, s'il n'était plus farouche,

Pouvaient être adoucis du miel de votre bouche. 1675 C'est donc Thierry tout seul, ne s'étant point changé,

Qui fut l'exécuteur de ce meurtre enragé.