Page:François d’Aure-Geneviève ou L'innocence reconnue tragédie, 1670.djvu/39

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et quand vous aurez pris votre petit repas

Reprenez doucement le chemin ordinaire,

Et vous rencontrerez en ce lieu votre Mère.

Il s'en va.


Scène III

GENEVIÈVE, seule. 475 Ce n'est pas sans raison que j'ai pu l'irriter

Dès lors qu'il a pensé que je veux le quitter,

Un fils issu d'un Prince et si noble et si riche

Ne serait assisté que d'une pauvre Biche :

C'est là toute sa Cour, c'est tout ce qui lui plaît ; 480 Elle fait ses banquets le traitant de son lait ;

Mais enfin cette vie est légère et bien mince,

Pour remplir après moi l'espérance d'un Prince.

Malheureuse Princesse ! Un Fils si vif si beau,

En vie sans maison, à la mort sans tombeau, 485 Faut-il que je le quitte, et que son innocence

N'hérite rien de moi que ma seule souffrance ?

Et tournant à la Fontaine.

C'est toi, belle Fontaine, aux bords de ton Bassin

Que j'entretiens souvent des secrets de mon sein :

Que tes eaux de cristal ne soient point offensées, 490 Si je les charge encor de mes tristes pensées.

J'ai perdu tous mes biens, j'ai perdu mon Époux,

Je dois perdre mon Fils, et n'ai rien de plus doux

Qu'à décharger mon cour en ces places désertes ?

Soulageant par ma voix la douleur de mes pertes. 495 Reçois, chère Fontaine, avec ces autres lieux,

Les tristes sentiments de mes derniers adieux.

Tu ne saurais tarir recevant à ta source

Le secours de mes yeux pour redoubler sa course.

Ton liquide cristal m'a souvent arrêté 500 À voir ce que je suis sur ce que j'ai été.