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385 En les souffrant avec constance,

Hélas ! Qu'eussé-je fait sans vous.

Elle le baise.

Aux trous des playes douloureuses [ 3 ]

Auxquelles par des vols hardis,

Les Colombes du Paradis 390 Font leurs visites amoureuses :

Je tire à l'ombre de vos os,

De vos travaux tout mon repos,

Comparant vos peines aux miennes ;

Mais pour résister à leurs coups 395 Avec des pensées Chrétiennes,

Hélas ! Qu'eussé-je fait sans vous.

Elle le baise.

J'ai souffert des peines légères,

Et vous des horribles tourments ;

Moi pour mes propres manquements, 400 Vous pour des fautes étrangères,

Je sens mon cour tout transpercé

De voir cet ordre renversé :

Mais si la divine justice

N'a pu apaiser son courroux 405 Que par l'horreur d'un tel supplice,

Hélas ! Qu'eussé-je fait sans vous.

Elle le baise.

Nonobstant l'injuste colère

Qui fit autrefois le dessein

D'égorger mon fils dans le sein 410 De son infortunée mère,

Je vois mon pauvre Bénoni

Vivre au moyen du lait fourni

Par votre douce providence :

Si vous n'eussiez été jaloux 415 De soutenir notre innocence,

Hélas ! Qu'eussé-je fait sans vous.

Elle le baise.

Pendant que je me vois bannie

Par les rebuts et les dédains

Des parents et proches mondains, 420 Vous m'avez tenu compagnie