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Cependant le peuple continuait de défiler devant la Reine avec assez de tranquillité. Diverses bandes se distinguaient par de petites bannières chargées d’emblèmes ou d’inscriptions. Sur l’une, on lisait : « Tremble, tyran, ton heure est venue » ; sur l’autre : « Rappel des ministres patriotes » ; une troisième portait une guillotine au bas de laquelle était écrite : « Justice nationale pour les tyrans. À bas Veto et sa femme !… » De distance en distance, on pouvait remarquer les guides de ces hordes séditieuses ; c’étaient des hommes couverts de haillons, mais portant de beau linge : de gros numéros écrits en craie blanche sur le derrière de leurs chapeaux les faisaient reconnaître.

Par un contraste si commun dans les temps de révolution, tandis que parmi les séditieux, les uns ne semblaient respirer que le carnage, d’autres s’attendrissaient à la vue de la Reine et laissaient échapper des larmes. Quelques-uns osaient adresser à cette auguste mère et à ses enfants des hommages mêlés de bénédictions. Tout le temps que dura cette pénible scène, la Reine resta debout derrière la table du conseil et traita le peuple avec affabilité. Enfin accourut Madame Élisabeth : « Tout va bien, dit-elle à la Reine ; tout va bien : le Roi est en sûreté ; la