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commencé à m’apercevoir que je suis à la cour par le mouvement qui se fait ici. Un changement de ministère ! Quelle occupation pour les esprits. Que d’allants et venants, tous préoccupés du même sujet, mais chacun par des idées différentes. Déjà les nouveaux ministres sont désignés. Chacun se courbe à leur approche, tous les visages semblent gracieux à leur arrivée et chacun songe à profiter de leur faveur.

Jetez un coup d’œil de ce côté. Quel est ce personnage dont la mine est allongée ? Où va-t-il ? Qui le connaît ici ? Mais chut ! En voici un autre, puis deux, puis trois, puis un grand nombre qui semblent ne faire qu’un, par la ressemblance et la même expression de physionomie. Aussi les salue-t-on en corps. Ce n’est plus le salut de la veille. Tout est pour les nouveaux ministres. Ils sont disgrâciés ceux-ci ! on leur tourne le dos ! Heureux si cette exemple de l’instabilité humaine servait de leçon aux nouveaux venus qui, comme les premiers, auront leur fin !

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J’ai le cœur bien gonflé et songe sans cesse à la mort de ma bonne maman[1] ! Je vois les larmes de ma famille. Je médite sur la brièveté du temps, la longueur de l’éternité ! Oh ! monde que tu es peu de chose à celui qui te quitte ! Combien alors, nous sont indifférents les peines qui dans la vie nous ont tenu le plus au cœur ! Que reste-t-il des jouissances passées ? Si ce n’est celles que nous ont procurées nos bonnes œuvres. Un seul instant va détruire toutes les illusions de la vie ! Oh ! décrets de la Providence je vous adore, mais en considérant votre mystère, mon âme est saisie de respect et de frayeur, j’humilie ma tête coupable et je me jette dans les bras de votre infinie miséricorde.

  1. Thérèse de Cugnières, veuve de Louis-F.-S.-C. de Mazenod, garde du corps du Roi, chevalier de Saint-Louis, morte le il août 1829.