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s’abuse pas sur le peu de ressources que l’homme de bien peut trouver dans une femme mondaine. Il est dégoûté de la fausseté du monde. Il en connaît toute l’illusion. Enfin, en l’écoutant, il me semblait trouver un raisonnement comme je souhaiterais en entendre toujours et je me félicitais plus que jamais d’avoir les idées que je ne dois qu’à vous.

18 juillet. — J’ai eu aujourd’hui la visite de M. Alibert[1], célèbre médecin, auteur de la Physiologie des passions. Mon frère Édouard était avec moi ; nous étions fort attentifs aux raisonnements de cet homme dont le physique annonce un esprit vif et ardent. La conversation tomba sur le bonheur du mariage, sujet bien propre à captiver mon attention !

D’abord, je trouvai que ses réflexions avaient beaucoup d’analogies avec celles que fait, si je ne me trompe, Milady Montaigue. « Le bonheur, consiste, dit-il, dans l’assortiment de caractère et de goûts, dans cette union de sentiments et de pensées qui fait que l’homme et la femme ne forment plus, pour ainsi dire qu’une seule âme s’aimant l’un et l’autre par-dessus tout ce que l’on peut aimer sur la terre et passant sa vie à se donner des marques réciproques d’affection. »

Voici jusqu’à présent des idées que j’approuve… mais continuons : « Pour être heureux, il faut être riche, sans la richesse point d’union, point d’accord. Il faut que le mari soit à même par sa fortune de prévenir les moindres désirs de sa femme.

» Un cachemire, un bijou de tel prix qu’il soit étant remarqué la veille doit être le lendemain dans la toilette de « Madame ».

Dernière pensée qui me semble bien tenir à l’idée que les gens du monde se font du bonheur. Après cela, M. Alibert se tournant du côté de mon mari et de moi,

  1. Le célèbre baron Alibert (1766-1837), premier médecin du Roi, médecin en chef de l’hôpital Saint-Louis.