Page:François Hüe - Souvenirs du Baron Hüe publiés par le baron de Maricourt, 1903.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce sont les petits dérangements qui m’ont empêché de donner à ma bonne mère de plus longs détails sur mes actions.

4 juillet. — Disons un mot de la journée d’hier. Je ne suis pas sortie le matin, il pleuvait. Je me suis occupée toute la journée de manière à ne pas m’ennuyer. Le soir, mon frère Édouard et M. de Sasselange[1] sont venus dîner avec nous. C’était un jour maigre. On ne servait pas de viande à la table. Aussi était-elle déserte. Le dîner ne fut pas long. Je sortis ensuite avec mon frère et M. de Sasselange. Nous parcourûmes quelques allées du parc où mes deux jeunes gens s’amusèrent beaucoup de la prodigieuse quantité de lapins que nous y vîmes. Cette promenade agréable dans le moment fut pourtant pour moi la source de quelque chagrin. Voici ce que c’est. Entraînée par le plaisir de trouver dans mon frère et mon parent une société qui me convenait, je parlai beaucoup, je ne ménageai pas assez la charité. Je fus vaine, étourdie.

En un mot, ma conscience fut alarmée de tout mon babillage et je résolus de tout vous avouer comme à ma meilleure amie.

…7 juillet. — J’ai fait aujourd’hui une lecture… Ces points vous étonnent, ma chère maman. En effet, vous saurez qu’un mauvais roman était la lecture que j’avais commencée et dont la perversité me fit rejeter loin de moi ce qui sans gâter mon âme, ne pouvait que la salir.

— Comment est-il possible, disais-je ce matin à André, que l’homme ait l’esprit assez impur, assez détestable pour écrire et répandre un tel mélange de scandale, de libéralisme et d’hypocrisie ?

— Tel est le monde, me répondit-il. Telles sont beaucoup de femmes à Paris.

Le monde est donc une abomination ? Heureux celui

  1. Le marquis Saignard de Sasselange, allié de la famille de Mazenod.