Page:François Hüe - Souvenirs du Baron Hüe publiés par le baron de Maricourt, 1903.djvu/355

Cette page a été validée par deux contributeurs.

recommander au Roi sa malheureuse famille. Quelques heures avant, Sa Majesté avait fait demander l’apport des registres de caisse qui ont été à l’instant mis sous ses yeux, elle a pu juger par elle-même du mérite et de la scrupuleuse exactitude de M. Hüe. Une vérification faite depuis, par des commissaires nommés à cet effet, a dû lui en donner une nouvelle assurance.

J’étais instruite en secret, des épargnes que M. Hüe se plaisait à accumuler pour subvenir aux besoins pressants dans lesquels le Roi pourrait se trouver, elle se montait, je crois, à 2 000 400 francs à part des sommes en or renfermées dans 6 barils. M. Hüe m’a souvent répété : si je venais à te manquer, tu porteras au Roi un bon portefeuille, il y verra avec quelle sollicitude j’ai géré ses affaires. Sa Majesté ne t’abandonnera pas.

Je crains bien, monsieur le Comte, que l’espoir sur lequel mon mari se rendait avec la confiance d’une âme pure, ne soit cruellement trompé. J’ai eu l’honneur de voir le Roi au moment où je venais de perdre M. Hüe. Oserais-je le dire ? Pas un mot de regret pour le mari, pas un regard de pitié pour la veuve désolée. Sa Majesté m’a répété que M. Hüe avait trois belles places ; le serrement de cœur que j’éprouvai ne m’a pas donné la faculté de donner au Roi une juste idée de la position de mon mari. Je vais la faire connaître à Votre Excellence. M. Hüe avait un traitement de 15 000 francs pour chacune des places de premier valet de chambre et de trésorier de la maison militaire, une retenue de 3 000 francs sur chacune réduisait à 24 000 francs le produit des deux sur lequel mon mari prenait encore 1 800 francs pour les employés de son bureau, car on avait diminué de 3 000 la somme qui lui était alouée pour ses frais. Il est vrai que M. le comte de Pradel donnait depuis 2 ans une forte gratification pour le travail extraordinaire qu’exigeait l’emploi des fonds privés. Cette place était donc gratuite et le Roi mieux instruit n’aurait pu la compter que pour telle.