Page:François Hüe - Souvenirs du Baron Hüe publiés par le baron de Maricourt, 1903.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai prévenu aussi dans ma dernière lettre la demande que tu me fais, relativement à ta pension. C’est le 31 décembre prochain que j’aurais remboursé à un de mes amis les 100 louis que je t’avançai pour payer une dette d’honneur. Tu peux donc compter affirmativement sur les 2 louis que le Roi veut bien te faire donner par mois, à titre de haute paye. Quant aux deux autres que je prenais sur le traitement de ta mère et sur le mien, je ferai pour mon fils bien aimé tout ce que ma position actuelle me permettra. Je te disais aussi par ma dernière lettre que je ne faisais que l’avance du prix des deux platines du fusil et de la poudre à tirer, ne pouvant, aujourd’hui que je suis seul, faire face à tout ce qui concerne tes intérêts pécuniaires. Je te donnais presque le denier de la veuve en t’envoyant 12 louis comme récompense de ta conduite militaire lorsque tu pris l’île de Sainte-Maure.

J’admirais tout à la fois le bon officier et le procédé d’un cœur sensible, puisque tes soins contribuaient à arracher des mains d’une soldatesque effrénée des officiers qu’ils voulaient massacrer. Sois victorieux, c’est un de mes vœux, mais respecte constamment le malheur de celui que tu soumets à tes armes. Honor miseris est une maxime qu’il ne faut jamais perdre de vue. Ta bonne maman regardera comme une consolation du malheur qui lui a ravi la majeure partie des débris de sa fortune l’envoi que je t’ai demandé pour elle, d’une mèche de tes cheveux, et moi je te demande de m’envoyer ton portrait que je mettrai sur une boëte à tabac dont j’use aujourd’hui comme remède pour mes yeux. Tu me fais cet envoi que si tu trouvais un bon peintre, je n’aime ni la caricature, ni les croûtes. C’est moi qui payerai ce portrait d’une de mes bagues de diamant que je vendrai, avec le prix duquel je ferai monter aussi le portrait sur une boëte simple, mais analogue à ce que j’ai de plus cher au monde.