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que, dans quelque lieu que tu portes tes pas, ma vive tendresse t’y suivrait, c’était assez te dire que je ne quittais pas le chemin de l’honneur, et t’inviter, presque, à m’y suivre, malgré les épines dont cette route est hérissée. Des considérations me forcèrent, en quelque sorte, à te faire des questions sur les projets que tu aurais eus, peut-être, parce qu’il n’est pas donné à tous les hommes de sacrifier la fortune à un sentiment, plus ou moins fort chez la plupart d’entre eux.

Partagé entre mon devoir de père et mon religieux attachement à la maison de France, je n’aurais pas voulu me mettre dans le cas de me reprocher, ce dont tu es incapable, mais de penser au-dedans de toi-même que, sous la crainte de me déplaire, tu te serais occupé des moyens de réparer, dans ta patrie, la fortune dont tu dois la perte à la religieuse observance de mes sermens. Tu es digne de moi, mon enfant. Ta lettre que j’ai baisée, me le prouve. Je te presse de nouveau contre mon cœur. Je te donne de nouveau ma bénédiction.

Parlons chasse maintenant ! Ma précédente lettre t’aura annoncé, mon enfant, que j’avais chargé M. de Besson de t’acheter chez le meilleur armurier de Londres deux platines de fusil, l’une droite et l’autre gauche, parce que j’ai du supposer que ton fusil était à deux coups. Il a fait aussi l’emplette de poudre à tirer, dont il a fait mettre dans un baril, et, si bien arrangée que j’espère quelle t’arrivera sans humidité. Je regrette de ne pouvoir manger de ta chasse, et surtout de ces bonnes cailles que j’aime beaucoup et qui doivent être bonnes dans le pays que tu habites. Si ce cuistre de Murat se trouvait au bout de ton fusil, ne le manque pas. Mais ne men fais pas l’envoi. Car, autant j’aime le gibier, autant je déteste les bêtes puantes, de l’accabit surtout de cet ancien garçon d’écurie et de sa détestable famille, car cette canaille n’a pas craint de se faire oindre de l’huile sainte, et Dieu n’a pas tonné !