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obligé de se jetter dans la rivière d’où, quelques heures après, il sortit pour se rendre à sa maison située place du Carrousel, il la trouva en feu.

Sans azile, n’osant en demander à personne, mon père erra dans Paris, jusqu’au lendemain 6 heures du matin, qu’à travers mille dangers, il pénétra dans le jardin des religieux feuillands et jusque dans la cellule où le Roi et la famille royale étaient détenus. Le Roi qui était encore couché, lui tendit la main et sûr de son zèle ne craignit pas de lui confier des papiers de la plus haute importance pour la sûreté de la famille royale. Le 10 août, le Roi avait sur lui ces papiers qu’il avait cachés soigneusement dans son lit. Mon père les reçut de sa main pour les brûler, ce qu’il fit. Le 14 août, mon père suivit la famille royale au Temple. Il y resta seul de tous les serviteurs de la famille royale jusqu’au 27, jour de l’arrivée de Cléry. Le 2 septembre, deux officiers municipaux arrêtèrent mon père aux côtés du Roi pour, disaient-ils, le conduire à la prison de la Force. Ils changèrent de résolution et le conduisirent à la Commune de Paris.

Il subit un long interrogatoire avant d’être jetté dans un cachot d’où il vit et entendit massacrer des prisonniers.

Le 17 septembre suivant, mon père ayant subi un nouvel interrogatoire fut mis en liberté. Peu de temps après, il établit une correspondance avec la famille royale et, malgré les plus grands dangers l’a entretenue avec la Reine lorsqu’elle a été conduite à la Conciergerie. Ce fut par lui que, jusqu’à sa mort, la Reine reçut des nouvelles de ses enfants et de madame Élisabeth.

Le 16 octobre 1703, mon père fut arrêté de nouveau et conduit successivement pendant onze mois dans quatre prisons différentes. Il ne recouvra sa liberté que six semaines après la mort de Robespierre.

Lorsqu’il fut permis à Madame, fille de Louis XVI, de se promener dans le jardin du Temple, mon père profita de la liberté donnée à cette auguste et malheureuse prin-