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À Rochambeau, par Vendôme.

Vous, Monsieur, qui êtes si parfaitement bon, vous voudrez bien me permettre sans rancune de vous exposer une erreur que je viens de trouver à la page 79 du livre Dernières années de Louis XVI qui pèse infiniment sur mon cœur et qui ne rend pas justice aux sentimens, au respect et à la reconnaissance et à l’attachement que feu mon époux et moi ont toujours conservé pour toute la famille royale dont voici la preuve. Louis XVI fit appeler trois fois aux tuilleries mon époux pour le nommer commandant de l’armée du nord. Sur ses refus et représentation que le maréchal de Broglie étoit plus capable que lui, il eut la bonté de le prendre par le bras, de le lui serrer et lui dit : je ne connais personne en qui j’ai plus de confiance. Ce mot exprimé avec tant de bonté lui rappela toutes les obligations de respect pour obéir, il revint chez lui et me dit, ma tête répond de cet ordre et je me soumets à tout. Vous savez, Monsieur, que six mois après, il fut heureusement rappelé et remplacé par Lakener et nous partîmes tout de suite pour venir et rester ici. Louis XVI a eu la bonté de faire copie sur les originaux qu’il avoit dans son cabinet deux superbes tableaux, l’un de la prise de l’armée angloise dans l’Amérique septentrionale qu’il commandait et le second la prise d’Yorcktown[1] que le roi Louis XVI eut la très grande bonté de lui envoyer avec un médaillon où est écrit : « Donné par Louis XVI à M. le comte de Rochambeau » et après cela, toujours par cette même bonté, maréchal de France, j’ai en le bonheur de les conservé en les cachant soigneusement ; mon époux et moi depuis sa démission de l’armée du nord nous n’avons (pas) quitté Rochambeau. Je comprends dans cet espase neuf mois d’emprisonnement que M. de Rochambeau a passé à la consiergerie, menacé

  1. La fameuse capitulation de Cornwalis à Yorktown, 1781.