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privés, avait souvent l’occasion de constater ces éclats. » Au reste, Louis XVIII, dont l’esprit caustique s’attaquait souvent à lui-même, tournait volontiers en ridicule la voix tonnante qu’il avait accoutumé d’employer en ses moments d’humeur. « J’ai pris ma voix de cloche, s’écriait-il une fois sa colère tombée, j’ai pris ma voix de cloche ! »

Et, quand il prenait sa voix de cloche, le meilleur moyen pour apaiser son courroux était de ne point se laisser intimider. Les anecdotes suivantes, — que nous contait toujours la baronne Hüe, — en sont les meilleures preuves.

Cacochyme et podagre, accablé par la goutte, les jambes habillées de velours rouge, le vieux Roi, dans les dernières années de sa vie, dînait, à l’ordinaire, avec sa famille, puis se faisait transporter en un fauteuil roulant jusqu’à son cabinet de travail. Incapable de se soutenir, il disait plaisamment, quand on le traînait ainsi, que c’était sa manière de marcher.

André Hüe se chargeait parfois de ce service.

Or, un soir, le Roi, de fort méchante humeur, au lieu de donner l’ordre habituel de rouler son fauteuil, s’écrie de sa voix rude : « Je veux marcher ! »

Le baron demeure impassible, comme s’il n’avait pas entendu les impérieuses paroles.

— Je veux marcher ! Je veux marcher ! répète plus violemment le souverain.

— Eh bien, que Sa Majesté marche seule, répond le premier valet de chambre d’un ton bref et sourd.

Les princes, qui voyaient croître la colère de Louis