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vieille expérience qui sourit tendrement aux jeunes illusions, heureuses aux approches de la mort, de voir fleurir l’enfance, triste pourtant de remonter le cours du passé et d’y lire, pour ceux qui restent, le douloureux présage de l’avenir…

Aussi bien ne pouvons-nous évoquer sans émotion les heures déjà lointaines qui nous amenaient au château de Saint-Sauveur, pour séjourner quelque temps auprès de la veuve d’André Hüe.

Sur le perron du château, sous le voile des vieux peupliers tremblotants sous la brise, elle nous attendait, appuyant sa haute taille voûtée sur une haute canne, baissant à demi son visage si noble, son nez aquilin, ses yeux malicieux et doux, son front ridé sous les cheveux blancs et le bonnet immaculé.

Et dès lors, adolescence et vieillesse, nous cheminions à petits pas, unis par le plaisir réciproque de parler et d’entendre, unis par une affection, protectrice chez l’une, respectueuse chez l’autre, tendre chez tous deux.

Nous nous plongions alors dans le passé, et de chaque anecdote contée par elle, la baronne Hüe, apôtre aimée dont j’étais l’infidèle disciple, tirait quelque morale religieuse ou philosophique qui n’excluait point la gaieté de ses récits, le ton badin de sa conversation.

Elle était le lien entre le présent et le passé, le chaînon vivant qui nous unissait au souvenir de François et d’André Hüe, le noble vestige d’un temps