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lors, il vécut dans la retraite, au château de Saint-Sauveur, dans la Brie Champenoise, douloureusement replié sur ses souvenirs. Parfois, dans ses vieux jours, il se plaisait, au cours des soirées d’hiver, à deviser pendant de longues heures, devant le foyer familial, évoquant devant ses amis et ses enfants les images de jadis. Mais, à l’heure présente, la mort a pris ses parents et ses amis ; ses enfants, trop jeunes alors pour comprendre ce qu’avait de précieux la conversation de leur père, ont oublié… Et seule, sa veuve, la baronne Hüe, née Louise de Mazenod, qui lui survécut de longues années, a pu rapporter jusqu’à nous les souvenirs de François et d’André Hüe sur Louis XVIII et Charles X.

Nous eûmes l’heur de connaître la baronne Hüe au cours de notre jeunesse, et nous aimions en elle ses rides et ses cheveux blancs, comme on aime les pastels vieillots, les miniatures effacées et tout ce qui fleure le parfum d’antan ; nous aimions plus encore en elle l’image d’une vieillesse qui avait beaucoup vu, beaucoup observé et beaucoup médité. En elle nous aimions enfin cet âge où les passions sont mortes, où l’on est indulgent, où l’on aime à conter…

Il existe un lien si mystérieux et si exquis entre l’enfance et la vieillesse. Il semble que ce soit, au seuil de la porte de la vie, la touchante rencontre de deux êtres, et celui qui s’en va — souriant tristement aux illusions de la jeunesse — voudrait laisser à celui qui vient quelque trésor de patience et de tendresse pour alléger le poids du fardeau qui l’attend. C’est la