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seules distractions qui lui fussent laissées. Dès lors, je louai une chambre contiguë aux murs de cette prison[1]. De mes fenêtres je voyais Madame et je pouvais en être aperçu ; elle put même entendre chanter dans cette chambre une romance qui lui annonçait que bientôt les portes de sa prison allaient s’ouvrir :

Calme-toi, jeune infortunée,
Bientôt, ces portes vont s’ouvrir,
Bientôt, de tes fers délivrée
D’un ciel pur tu pourras jouir…

L’auteur de cette romance était M. Lepître[2], officier municipal.

C’est là aussi que j’amenais mademoiselle de Brévannes[3], pour qu’elle essayait, en faisant de la musique, de distraire cet ange de vertu et de

  1. La Rotonde, où Hüe loua cette chambre, était une grande maison ovale actuellement démolie. Entre elle et la rue du Temple se sont élevées depuis les halles aux vieux habits connues sous le nom de Marché du Temple.
  2. Lepître, né en 1763, ancien professeur de rhétorique à l’Université, chef d’institution, rue Saint-Jacques, membre de la Commune de 1789 et de la Commune provisoire le 2 décembre 1792, désigné huit jours plus tard pour prendre part à la surveillance des prisonniers du Temple. Cet individu, « gros, petit, boiteux et laid », se piquait de belles-lettres. Il est l’auteur d’une relation bien connue sur son séjour au Temple.
  3. Mademoiselle Le Pileur de Brévannes, plus tard baronne de Charnacé.