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Le nom du cardinal de Loménie amena M. de Malesherbes à me parler du ministère en général ; et des continuelles mutations qui s’y opéraient.

« On les a attribuées, me dit-il, tantôt à l’inconstance, tantôt à la faiblesse du Roi ; elles ne doivent l’être ni à l’une ni à l’autre. Tant que vécut le comte de Maurepas, ce principal ministre, arbitre de tous les choix, fit et défit les ministres. Après sa mort, le Roi crut ne pouvoir mieux faire que de se déterminer par l’opinion publique, cette opinion l’a souvent égaré.

» Il est si rare que le public, toujours prompt à s’enthousiasmer ou à se prévenir, juge d’une manière saine, des talents et des vertus ! D’ailleurs, pour faire un bon ministre, l’instruction et la probité ne suffisent pas. Turgot et moi en avons été la preuve, notre science était toute dans les livres, nous n’avions nulle connaissance des hommes.

» Heureusement, je ne fus pas longtemps à le reconnaître. Ne convenant pas plus au ministère que le ministère et la cour ne convenaient à mes goûts, je demandai au Roi la permission de me retirer.

» — Pourquoi ? me répondit-il avec bonté.

» — Sire pour la retraite et pour l’étude. » — Que