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me raconta le massacre qui avait eu lieu à Versailles. Cinquante-quatre prisonniers, presque tous aussi recommandables par leur naissance et leur rang, que par la pureté de leurs principes et les preuves signalées de leur attachement au Roi, avaient été traduits dans les prisons d’Orléans pour y être jugés par la haute cour nationale. Mandés à Paris à l’époque des assassinats commis dans les prisons de cette capitale, ils étaient arrivés à Versailles le 9 septembre, escortés par deux mille hommes et six pièces de canon. À la grille de l’Orangerie, les gardes se laissèrent forcer par une poignée de brigands. Ces prisonniers, à l’exception d’un très petit nombre, furent impitoyablement massacrés.

Dans ces circonstances, Manuel, prêt à partir pour assister à l’assemblée primaire de Montargis, lieu de son ancien domicile, et s’y faire députer à la Convention nationale, vint m’annoncer que je serais quelque temps sans le voir. Il faut avoir été prisonnier et au secret pour sentir tout le prix des visites d’un seul homme, et surtout lorsqu’il parait compatir à vos peines : chacun des premiers jours de l’absence de Manuel fut un siècle pour moi.

La situation désespérante où je me trouvai altéra