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l’eau. Tant que dura ma captivité dans ce lieu, cette femme compatissante daigna me nourrir. Elle me passa une bouteille garnie d’osier. Avais-je besoin d’eau, je présentais ma bouteille à l’ouverture du plancher, et la concierge y versait l’eau avec un entonnoir. Par ce moyen, la porte de ma prison ne s’ouvrait que rarement, et je restais mieux caché.

Néanmoins, des hommes dont les bras et les habits étaient couverts de sang, s’approchaient quelquefois de la fenêtre du cachet, et cherchaient à voir quelle victime ou y avait jetée ; mais l’obscurité de mon réduit augmentée par leur approche trompait leur attente. « Y a-t-il la quelqu’un à travailler ? » se demandaient-ils dans leur horrible langage. Dès qu’ils étaient éloignés, je me hissais aussitôt pour observer ce qui se passait dans la cour. La première fois j’y vis les assassins profaner de leurs ordures la statue renversée de Louis XIV et jouer avec les restes ensanglantés de leurs victimes ; ils se racontaient mutuellement les détails de leurs meurtres, se montraient leurs salaires, et se plaignaient de n’avoir pas reçu celui qui leur avait été promis. Quelques jours s’étant écoulés, j’eus la visite de Manuel, je sus par lui que, de toutes les personnes sorties