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guichetier m’avait fait apercevoir un mauvais grabat. Je m’y traînai à tâtons. Accablé de fatigue, je cédai à un sommeil qui me dérobait à peine l’idée de ma position, lorsque, tout à coup, un bruit confus me réveilla. Je prêtai l’oreille, j’entendis clairement articuler ces paroles. « Ma femme, les assassins ont fini dans les autres prisons ; ils accourent a celles de la Commune. Jette-moi vite ce que nous avons de meilleurs effets : descends toi-même, sauvons-nous[1]. » À ces mots, je me précipitai de mon lit : je tombai à genoux, et, les mains levées vers le ciel, j’attendis dans cette situation le coup fatal dont j’étais menacé. Une heure après, une voix m’appela : je ne répondis pas. On appela encore ; je prêtai l’oreille.

— Approchez de votre fenêtre dit-on à voix basse. J’approchai. Ne vous effrayez pas, continua-t-on ; plusieurs personnes veillent ici sur vos jours.

Après ma sortie de prison, j’ai fait inutilement des recherches pour connaitre ce généreux protecteur. Qui que vous soyez, homme sensible, quelque lieu que vous habitiez, recevez l’hommage d’une reconnaissance qui ne finira qu’avec ma vie.

  1. C’était le concierge Viel qui parlait ainsi à sa femme.