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linge et des rasoirs. « Point de rasoirs, me dit le municipal ; où je vais te mener on te rasera ; je peux même t’assurer que les barbiers ne te manqueront pas. » Je gardai le silence, persuadé que j’allais droit à l’échafaud. J’eus a peine quitté ma chambre que les scellés furent mis sur les deux portes et ne furent levés qu’après la mort de Louis XVI. Descendu dans la chambre de la Reine je rendis au Roi, avec la permission des municipaux, quelques papiers qui le concernaient. « Homme malheureux, me dit-il le cœur navré, le peu d’argent qui vous restait vous l’avez avancé pour moi[1], aujourd’hui vous partez et vous êtes sans ressource ! — Sire ! je n’ai besoin de rien ! » Les larmes et les sanglots me suffoquaient.

Chaque personne de la famille royale m’honora de quelque témoignage de sensibilité. Cette scène attendrissante pouvant avoir de funestes effets, je fis sur moi un nouvel effort « Je suis prêt à vous suivre, » dis-je à mes conducteurs, et nous partîmes[2].

  1. Cette somme, qui se montait à cinq cent vingt-six livres, fut remboursée à François Hüe par la municipalité quelques mois plus tard.
  2. Cf. Mémoires de Madame la duchesse de Tourzel, t. II, p. 248. — Cf. aussi dans la relation de Daujon sur le Temple, citée plus haut, le passage qui concerne le départ des serviteurs du Roi. « Capet, dit-il, se plaignit amèrement de cette rigueur.