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Élisabeth allait se placer au balcon de la seule fenêtre qui n’eut pas subi le sort de celles qu’on avait condamnées dans la majeure partie de leur ouverture. Le Roi, sans que les municipaux eussent lieu d’en prendre ombrage, venait à cette fenêtre comme pour respirer l’air ; son auguste sœur lui répétait alors ce que j’avais pu lui rapporter. Ce fut par ce moyen que Sa Majesté fut instruite de l’entrée des troupes coalisées sur le territoire de France, de la reddition de Longwy et de Verdun ; de la désertion de La Fayette avec son état-major ; de la mort de M. de Laporte[1], intendant de la liste civile ; de celle de Durosoy[2], enfin de la plupart des principaux événements.

Soit que l’attention journalière que je donnais aux crieurs publics eût été soupçonnés, soit que l’on prit à tache de renouveler dans l’âme des augustes captifs l’anxiété et les alarmes, des colporteurs publiaient journellement de sinistres annonces, et, quelquefois aussi des faits controuvés. Un jour, l’un d’eux annonça qu’un décret ordonnait de séparer le Roi de sa famille. Dans

  1. M. de Laporte fut guillotiné le 24 août 1792 sur la place du Carrousel.
  2. Durosoy était rédacteur à la Gazette de Paris. Décapité le 25 août, il dit en montant à l’échafaud qu’il était beau pour un royaliste de mourir le jour de la Saint-Louis.