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têtes, copiées d’après l’antique, les portraits des principaux monarques coalisés contre la France. Peu s’en fallut qu’il ne les retînt et ne me dénonçât.

Il n’était point de privations qu’on n’affectât de faire éprouver à la famille royale : vêtements, linge de corps, linge de lit et de table, couverts, assiettes, en un mot tous les objets du service le plus ordinaire étaient en si petite quantité, qu’ils ne pouvaient suffire au besoin journalier[1]. Pendant quelques nuits je fus réduit à garnir le lit de M. le Dauphin de draps troués en plusieurs endroits.

Le dîner fini, le roi passait ordinairement dans le cabinet des livres du garde des archives de l’ordre de Malte, qui, précédemment, occupait le logement de la tour. La bibliothèque était restée en place, et Sa Majesté venait y choisir des livres. Un jour que j’étais avec le Roi dans ce cabinet, il me montra du doigt les œuvres de Rousseau et de Voltaire : « Ces deux hommes, me dit-il à voix basse, ont perdu la France. » Dans l’intention de recouvrer l’habitude de la langue latine, et de

  1. On sait cependant qu’au Temple la table royale était convenablement pourvue (cf. Papiers du Temple, par M. La Morinerie. Nouvelle Revue, avril 1884).