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Alors, légèrement défigurée par le cold-cream d’occasion qui masque les rides, par le rouge qui colore la paleur maladive des lèvres et fond comme du beurre, sous la chaleur des becs de gaz ; les bras nus, couperosés, se terminant par des mains masculines, la chanteuse se glisse, coule, pour ainsi dire, entre les rangées de tables et de chaises. Elle quête des sous : « Messieurs, n’oubliez pas l’artiste ! messieurs, s’il vous plait, c’est pour l’art. »

Tous les ravaudages mal faits de la toilette apparaissent par les coutures qui baillent et le gros fil blanc avec lequel le dégraisseur a réuni les parties de ce costume rappelant par ses pièces la fameuse galère que les Athéniens vénéraient comme un souvenir sacré.

La sonnette résonne une seconde fois, la dame du comptoir se penche de nouveau, la musique reprend, et, presque sans intervalle, les chanteuses se succèdent, blondes ou brunes, costumées de vert ou de rose. Pourquoi ces deux couleurs de prédilection ? Ont-elles une influence quelconque sur l’esprit des spectateurs ? Nous livrons la question aux philosophes, nous bornant à constater que partout, dans les concerts les plus « chics » comme dans les plus « naturalistes » on retrouvera inévitablement une dame rose et