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Les « poëtes » trouvent toujours à boire, même quand ils n’ont pas d’argent ; ils savent s’acquitter en chantant soit leurs œuvres, comme jadis Homère, soit quelques « scies » entendues au paradis des Folies-Bergère, et estropiées toujours d’une façon aussi amusante qu’inattendue :

Une taille de Suresnes,
Des cheveux en boîte d’épingles…

Les musiciens et les plongeurs sont aussi en grand honneur. Tout le monde à Rouen a entendu parler de Petit Jean, un brave homme, classé dans la catégorie la plus honorable des turbineurs (travailleurs) des quais, et qui se jette à l’eau en toute saison et à toute heure, pour repêcher la pièce de dix sous qu’on lance à la Seine. Tout le monde, également, a entendu le soir, de sept à neuf heures, en passant devant quelque gargotte, où les émanations du hareng qu’on grille se mêle aux fumées de la pipe et aux vapeurs de l’alcool, le bruit d’un violon qu’on râcle. C’est un pauvre diable qui n’a pas envie de faire ballon et gagne son dîner à coups d’archet.

Ceux-là sont les honnêtes, les tranquilles ; mais, à côté d’eux et les coudoyant, se trouvent aussi les dangereux qui s’évanouissent