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haine pour tout le monde, excepté pour les roussins (la police), et surtout pour les curieux (les douaniers des quais). Si, de temps en temps, quelque échappé des prisons centrales lui propose de faire suer le chêne, c’est-à-dire de tuer, il le repousse avec mépris.

Il y a chez tout habitant du pays du « soleil » une nuance de mélancolie et une sorte de profond sentiment philosophique. Quand il n’a pas le sou, il serre la main des amis et leur dit tranquillement : « J’vas m’bâcher. »

Une demi-heure après, on aperçoit une espèce de grosse pelotte sous une bâche recouvrant des marchandises. C’est notre homme qui ronfle. Quelquefois, il ne ronfle plus et le lendemain on le retire mort !

Quand il est riche, quand il a fait un voyageur, c’est-à-dire lorsqu’il a réussi a trouver aux environs de la gare un colis a porter, le « soleil » avale une mitrailleuse ou souffle une chandelle ; c’est sa manière a lui de manger ou de boire. Il est au comble de la joie quand il s’est réchauffé avec un tout ensemble, mélange de café et d’eau-de-vie, ou qu’une main d’acier lui racle la gorge on y laissant cette odeur sui generis de grosse eau-de-vie de cidre mêlée parfois d’absinthe.

Gare, par exemple, au débitant qui se sert sans mesure de verres à la renache, ces réci-