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obligé, pour compléter le tableau, de donner la physionomie d’un autre coin de Rouen fréquenté par une population plus recommandable mais assez étrange également, et qui se rapproche le plus de la classe « soleil. » Ce sont les débardeurs des quais, les ouvriers de la « Carue, » comme on les désigne dans la ville.

Quand on aperçoit le matin, sur les quais, à l’heure où le travail va commencer, cette descente de la « carue, » qui n’a que fort peu d’analogie avec la descente de la Courtille, à Paris, on se demande d’où sortent ces individus noircis par le charbon, aux vêtemens en loques, plus bizarres les uns que les autres, avec leur façon lente, en ouvriers harassés, de trainer les pieds en marchant, leurs cheveux en broussailles, leurs yeux dont l’expression est singulièrement durcie par la teinte du visage.

Ils débouchent d’un certain nombre de petites rues aussi pittoresques, aussi délabrées, aussi noires que les hôtes qu’elles reçoivent ; ils sortent de guinguettes borgnes ou les « verres » sont souvent en étain, quelquefois en plomb, ce qui leur permet de servir de projectiles à l’occasion ; où le fil-en-quatre dessèche le gosier, comme si on y passait un fer chaud.