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sur la sellette et à tâter des effets de son mirifque cirage. Quand avec le plus grand soin, à grand renfort de brosses, il avait fait reluire d’un éclat emprunté le lourd godillot de l’amateur, il le laissait ainsi un pied ciré et l’autre boueux et crotté jusqu’à la cheville, au milieu d’un cercle de badauds qui riaient fort de l’aventure. Le plus souvent, pour faire cesser cette plaisanterie, le client achetait une provision de cirage, c’est tout ce que demandait l’ingénieux Bétinet, qui, la farce jouée, s’en allait porter sa brouette ornée d’une cage où chantait un oiseau apprivoisé, dans quelque autre endroit. Vers 1835, Bétinet, comme tous les colporteurs et les industriels du pavé, fut menacé par une ordonnance de police ; c’est alors que pour se venger il improvisa les couplets suivants qu’il chantait à tue-tête :

Vous n’aurez plus l’avantage
De faire briller vos souliers.
N’y’aura plus d’marchand d’cirage
Avec leurs oiseaux privés.
Quelle chance
Quand j’y pense !
N’est-ce pas avoir du guignon ?