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lieu pour pouvoir y respirer, pour ne pas être pris de malaise en sentant les odeurs écœurantes qui s’échappent comme par bouffées des portes entr’ouvertes.

Tandis que les plus pressés s’empilent aux comptoirs, formant un entassement hideux, un méli-mélo de chairs noires, de vêtemens en lambeaux, les autres, les sybarites de l’endroit, s’assoient dans un coin sur des escabeaux et jouent aux dés leurs horribles consommations. Les propos ignobles, les chansons obscènes entrecoupées de hoquets se succèdent. Les barbes hirsutes, les cheveux, parmi les broussailles desquels vivent des légions d’insectes, jettent le soir sur les murs, à la lumière des quinquets, des ombres fantastiques, tandis que l’odeur des détritus de toutes sortes accumulés pendant une journée de vingt heures, des chiques de tabac et des vomissemens d’hommes saoûls, monte lourde dans l’atmosphère corrompue.

Et c’est là le refuge de prédilection des soleils ! c’est là qu’ils trouvent leurs jouissances les plus raffinées ! c’est là le but auxquels tendent leurs efforts, lorsqu’ils travaillent ! c’est là qu’ils contractent les germes de l’alcoolisme qui les tue aussi sûrement qu’une balle de fusil ou qu’une chute d’un sixième étage !