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Lorsqu’ils ont entendu dire qu’un accident s’est produit, qu’une personne est tombée à l’eau, il faut voir avec quelle rapidité de rames il se rendent à l’endroit indiqué, afin de soutenir la concurrence des autres confrères en pêche aux machabés. Pendant des heures entières, ils travaillent, alléchés par l’espoir du gain, et quelquefois on peut apercevoir, le soir, un bateau portant à l’avant une petite lumière rouge et à l’arrière quelque chose d’indécis qui suit le sillage. Ce quelque chose prend des formes humaines quand la lune permet aux yeux de percer la transparence des eaux.

Le rameur fume sa pipe ou chante joyeusement. Car le lendemain il ira toucher au commissariat central six francs, en présentant un reçu de cadavre !

Voilà, certes, un métier qui n’est pas gai. Ajoutons qu’il ne nourrit pas son homme et que ce dernier, dans ses loisirs, cumule d’autres fonctions. Ainsi, grâce à sa barque, il peut marauder un peu, le long des îlots si nombreux dans le parcours de la Seine.

C’est lui qui cueille les roseaux lorsque leurs tiges s’épanouissent. C’est lui qui les revend ensuite à d’autres individus dont la spécialité est de teindre ces roseaux en rouge, en vert ou en bleu et de les offrir après au public, par bottes. C’est, pour les petites