LES TIRE-BOUCHONS
Il ne s’agit pas d’un instrument, mais d’un homme. Le tire-bouchon rouennais, comme le graisseux et le pirate du Robec, gagne sa vie dans l’eau et il la gagne même assez largement.
Il est bien au courant des heures de la marée et, selon ces heures, il monte ou descend avec la Seine. Tantôt il est en amont du nouveau pont, mais le plus souvent en aval. Il affectionne les endroits ou le fleuve forme un coude brusque ; il adore les roseaux dont les tiges réunies forment pour lui une sorte de grillage naturel ; mais sa prédilection est pour les petites baies temporaires engendrées sur les quais par les travaux du port. C’est là que le courant dépose les bouteilles vides et les bouchons. Notre homme n’a qu’à les ramasser et, quand il y a beaucoup d’ouvriers travaillant aux alentours, la récolte est toujours des plus fructueuses.
Quel est le statisticien assez téméraire pour oser fixer, même approximativement, le chiffre de bouchons que charrie la Seine en un an ? Quel est le grand calculateur qui pourrait nous dire la chaîne immense qu’on formerait avec ces bouchons en les ajoutant les uns aux