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LES RÉVEILLE-MATIN

Ils sont une dizaine au plus, logés les uns dans le quartier Saint-Sever, les autres aux environs de la rue Martainville ; d’autres enfin dans le dédale des petites rues avoisinant la place du Vieux-Marché.

À l’heure on dorment les gens vertueux et où les noctambules quittent les brasseries, on les voit sortir de chez eux. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il tonne, ils cheminent d’un pas égal et s’appuient généralement sur un solide gourdin.

Tout à coup, on les voit s’arrêter devant la devanture d’une boutique. Ils lèvent leur gourdin, en frappent la fermeture métallique et crient : « Ohé ! Boulanger ! ohé ! Boulanger ! »

On peut croire tout d’abord a une manifestation politique. Mais les sergens de ville (quand il y en a par hasard dans la rue) restent calmes, ils savent de quoi il s’agit.

Au bout de deux ou trois minutes, une tête enfarinée paraît a une lucarne ; une voix d’être a moitié endormi s’écrie : « C’est bien ! on y va ! » La lucarne se referme et l’homme au gourdin se retire tranquillement avec la satisfaction du devoir accompli.