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Chapitre XXIII


L’abbé Bourdel fonde Howell (Prud’homme) — Les origines de Saint-Denis — La famille Denis — Un chef national : Raymond Denis — Une lignée remarquable — Une colonie de peine et de misère : Saint-Front — Prince-Albert et les environs — Dans le nord-ouest de la Saskatchewan — La petite patrie d’un docteur ès lettres


L’abbé Bourdel fonde Howell (Prud’homme)

Au sud de Saint-Brieux, dans la direction de Saskatoon, on trouve d’autres centres composés de Canadiens français parmi lesquels se sont glissés des colons et des prêtres de France.

L’abbé Constant Bourdel, né à Saint-Mars-la-Jaille (Loire-Atlantique), était dans la quarantaine lorsqu’il décida d’aller faire du ministère dans l’Ouest. L’idée lui en était venue soudain en s’occupant d’y diriger quelqu’un de sa famille. Il arriva donc en 1904 avec un neveu, Joseph Poilièvre, et sa femme, là où devait naître la paroisse de Howell, dont le nom fut plus tard changé en celui de Prud’homme. Le nouveau curé célébra la messe le dimanche, dans la demeure du plus ancien catholique de l’endroit, pour cinq familles et deux célibataires des environs. Dans son petit presbytère bâti de peine et de misère, il commença à donner des leçons de catéchisme à une demi-douzaine d’enfants. L’année suivante, la première construction à s’élever sur l’emplacement du village actuel fut un couvent-église, où deux Filles de la Providence distribuèrent l’enseignement. Le futur centre, placé à 400 mètres de la voie ferrée, sur une colline dominant la plaine au nord et au sud, attirait tout de suite l’attention du voyageur.

Cette même année, Mlle Hélène Dejoie quittait sa famille, à Nantes, pour venir s’installer dans la paroisse naissante, qu’elle devait beaucoup aider dans ses débuts. Elle fournit les fonds nécessaires à la construction du couvent et du presbytère. Cette femme généreuse et dévouée mourut en 1918 de la grippe espagnole, contractée au chevet des malades.

Prud’homme abrite aujourd’hui la maison-mère et le noviciat des Filles de la Providence de Saint-Brieuc, qui ont des établissements dans les diocèses de Prince-Albert, Saskatoon, Regina et Edmonton.

Le curé fondateur, l’abbé Bourdel, vécut quarante-sept années dans sa paroisse, en dépit d’une santé plutôt délicate. Retiré du ministère actif en 1931, sa vie se prolongea jusqu’en 1951. Il mourut dans sa quatre-vingt-dixième année. Mgr Bourdel, fait prélat domestique en 1924, avait été pendant dix ans vicaire général du diocèse de Saskatoon.

Prud’homme compte aussi quelques colons belges, notamment la famille Baudoux, venue de La Vouvière (Hénaut) en 1910. Un fils, l’abbé Maurice Baudoux, après avoir été vicaire de Mgr Bourdel, lui succéda comme curé. Nommé plus tard évêque de Saint-Paul (Alberta), Mgr Baudoux est aujourd’hui archevêque de Saint-Boniface.

Ludovic Normand, né à Arras, commerçant et maître de poste, fut pendant dix-sept ans maire de Prud’homme. Venu parmi les premiers colons de Sainte-Rose-du-Lac, il avait aussi habité Grande-Clairière. Lorsqu’il mourut en 1954, à quatre-vingt-treize ans, ce vieux pionnier laissait douze enfants vivants, avec un grand nombre de petits-enfants et d’arrière-petits-enfants.


Les origines de Saint-Denis

C’est en 1905 que les premiers colons — Clotaire Denis, 18 ans, de la Charente-Maritime, Jacques Chevalier et Y. Mével, deux Bretons — s’installèrent dans une assez vaste plaine, à douze milles au sud de Vonda. Quelques semaines plus tard, ils furent rejoints par Jean-Marie, Laurent et Pierre Le Naour. Puis ce furent les Haunyet, d’origine belge, Pierre, François, Joseph et Henri. Au printemps de l’année suivante, vinrent la famille Haudegard, du Nord, composée du père et de ses deux enfants, Jules et Justa, et la famille Henri Hubert, de la Charente-Maritime, avec le père, la mère et deux enfants, Marcel et Jeanne. À citer encore la famille Dellezay, des Deux-Sèvres, dont l’un des fils, Fernand, est toujours là.

Tels furent les véritables fondateurs de ce qui allait être la paroisse de Saint-Denis. Comme nulle part ailleurs peut-être, de nombreux mariages entre les enfants de ces pionniers en feront un centre remarquablement homogène. En 1908, l’abbé Bérubé, missionnaire colonisateur, amena un fort contingent de Canadiens de sa province qui vinrent fortifier le petit groupe français des vieux pays.

D’autres familles s’ajoutèrent petit à petit au premier noyau d’outre-mer. Entre autres, les Hamoline et les Dutilleux, Belges d’origine, mais qui firent toujours généreusement leur part au point de vue français ; les Chauvet,