L’abbé Bois, devenu plus tard prélat domestique, connut longtemps la vie d’un véritable missionnaire, sans cesse sur la route pour visiter les catholiques éparpillés dans les environs. Il ne recula pas devant la tâche d’apprendre l’anglais et l’allemand, pour se mettre à la portée de toutes ses ouailles. Son dernier poste fut à Bellegarde, où il resta vingt-huit ans. Pendant la crise, Mgr Bois sut soutenir le moral de ses paroissiens éprouvés, dont pas un n’abandonna sa terre.
De Meyronne, il avait desservi, entre autres, le centre de Laflèche, avant son érection en paroisse. Au nombre des premiers venus à Laflèche, Eugène Bachelu et Henri Regimbal. Nous y trouvons ensuite l’abbé Émile Dubois, du diocèse de Mende, qui avait fait ses débuts dans le nord-est de la province. Paul Bourdy a laissé le souvenir d’un adepte de l’A.C.F.C. dans cet endroit, Laflèche s’enorgueillit à juste titre de son école-pensionnat, sous la direction des Filles-de-la-Croix de Saint-André.
Un futur universitaire à Dollard
Parmi les premiers colons de Dollard, on voit le comte de Couesbouc et ses trois filles, de Nantes, ainsi que Dayon, Tessier et Barrault, tous envoyés là par l’abbé Royer. Alors simple mission, Dollard fut visité par un prêtre français, l’abbé Victor Jayet, qui allait être tué à la guerre quelques années plus tard. Son premier curé titulaire, l’abbé Henri Kugener, un Alsacien, fut plus heureux. Il fit toute la campagne et revint sain et sauf parmi ses paroissiens. Devenu Mgr Kugener, P.D., il devait mourir curé de l’importante paroisse de Willow-Bunch. Parmi les autres anciens Dollardois, tous gardent le souvenir de l’Aveyronnais Duperron, qui fut un champion ardent de l’école française. Saluons aussi en passant Jean Crevolin, un homme qui a des opinions et une plume pour les défendre.
C’est dans la région de Dollard que vint prendre homestead, avant la première guerre, un jeune Parisien qui avait du sang français et anglais dans les veines, Frédéric Bronner. Cet intellectuel peu préparé aux travaux agricoles y passa néanmoins plusieurs années ; puis, la solitude de la prairie lui pesant, il décida de se rendre à Winnipeg, et ensuite dans l’Est, pour y parachever ses études.
Frédéric Bronner est aujourd’hui professeur à l’Université McMaster (Hamilton, Ontario). Dans un petit livre destiné aux élèves de langue anglaise qui apprennent le français — Nouveaux Canadiens — il a évoqué avec bonheur ses expériences et ses souvenirs de défricheur et d’éleveur en Saskatchewan, donnant une peinture réaliste de la vie du colon à cette époque lointaine. Ces pages agréablement romancées permettent à l’auteur d’y introduire çà et là des réflexions excellentes sur le grand problème de la coexistence des races au pays. Sa conviction intime est que Canadiens anciens et Canadiens nouveaux finiront par communier dans un même patriotisme fervent. Ce n’est pas lui qui laissera entendre que Canadiens français et Français de France ne parlent pas la même langue. « Il est faux, écrit-il, de croire qu’un Parisien ne comprend pas le « patois » de Québec, pour la bonne raison qu’à Québec et chez tous les Canadiens français on ne parle pas patois, mais on parle français. C’est en France qu’il faut aller, si l’on veut du patois ; il y en a là pour tous les goûts. »
Willow-Bunch et Frenchville
Saint-Ignace-des-Saules, ou la Hart-Rouge — dont le nom anglais Willow-Bunch a fini par prévaloir — ne le cède guère comme ancienneté à Fort-Qu’Appelle. Là aussi et aux environs, des prêtres français ont passé au cours des années 1910 : l’abbé A. Meleux, l’abbé Victor Rahard, fondateur de Saint-Victor : l’abbé J.-B.-L. Meindre, ancien curé de la Lozère, qui devint curé de Sainte-Marthe-de-Rocanville. Parmi les fermiers français de Willow-Bunch entre les deux guerres, rappelons Raymond Gaucher et le Charentais Gustave Bouffard.
Frenchville se trouve à quinze milles au sud de Ponteix. L’abbé Royer y envoya plusieurs colons, entre autres Alphonse Esvèque et Marcel Champeau, qui formèrent le premier noyau. C’est un groupement de Français, de Belges et de Canadiens français. Il s’appela d’abord Filiatrault, nom bien canadien, qui s’effaça devant celui de Frenchville, peut-être parce que les Français y étaient en majorité, ou à cause du voisinage de la rivière Frenchman. C’était un lieu perdu en pleine campagne, loin du chemin de fer, d’abord simple point marqué par une modeste église sans village, que l’abbé Passaplan fut le premier à desservir.
De ce petit coin de l’Ouest devaient sortir des héros : Jean-Marie Lancien, tué à Verdun : Pierre Grangé, disparu au front du Tyrol. Il y eut aussi Marcel Campon, dragon qui fut garde d’honneur du généralissime Foch ; Albert Coupé, qui fit la campagne de Salonique, après celle de France ; P. Bailleul, Juillard et Lombard.
Frenchville traversa des moments difficiles. Érigée en paroisse, elle redescendit au rang de mission, mais se releva et finit par gagner la partie. Parmi les pionniers récemment disparus, Edgar Chelle et Honoré Beauchamp, dont les familles demeurent. Au nombre des survivants, Xavier Vignon.
Swift-Current et son premier curé
La petite ville de Swift-Current, sur la ligne principale du Pacifique Canadien, semble, à première vue, avoir peu de titre à figurer ici. Mais ce carrefour du sud-ouest de la Saskatchewan fut le centre de ravitaillement, au début, de Ponteix et d’un large territoire où les Français tenaient leur part. Un bon nombre ne s’éloignèrent pas beaucoup de ce qui avait été pour eux la fin d’un long voyage. Et il y eut surtout ce curé du Midi, unique en son genre, qui y vécut quarante ans et accomplit une œuvre vraiment remarquable.