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Si son œuvre lui plaît, c’est assez. Tôt ou tard
Viendront fortune, honneurs, ces choses de hasard.
 
Dans l’île de Naxos, on dit qu’aux jours antiques,
Quand la Grèce était grande et que cent républiques,
Rivales sans repos d’art et de liberté,
De chefs-d’œuvre divers remplissaient la cité,
Un Pygmalion fit une Vénus si belle
Que le pauvre sculpteur s’éprit d’amour pour elle.
Nourrissant, solitaire, une ardeur sans espoir,
Le matin à ses pieds, devant elle le soir,
Il serrait dans ses bras en des instants d’ivresses,
La belle femme sourde et froide à ses caresses.
Son corps dépérissait, le repos l’avait fui.
Mais les dieux qui l’aimaient prirent pitié de lui ;
Jupiter ; à leur voix, anima la statue.
En levant sur Vénus sa prunelle abattue,
Pygmalion, un jour, voit ses traits s’alanguir,
Il sent sous les baisers le marbre tressaillir ;
Ces bras ne sont plus froids, bientôt, bonheur suprême,
Cette bouche a parlé pour lui dire : je t’aime !
Oui, c’est bien une femme au port majestueux :
Ils se prirent la main ; l’artiste était heureux !

Ainsi tu peux, Levéel, les yeux sur l’espérance,
Sans chercher au dehors de fade jouissance.
Sans demander au peuple un amour incertain.
Vivre avec les héros enfantés par ta main,
Jusqu’à ce que ton nom, qui déjà s’illumine,
Rejaillisse sur eux, de ses feux les anime ;
Que chacun les admire et les voie, ô sculpteur,
Porter une couronne à ton front créateur !

III.

Et maintenant, Levéel, il faut que je te dise
Pourquoi j’ai fait ces vers et les jette à la brise
Qui bientôt dans Paris te les ira porter.
Mon esprit, sans savoir, ne peut pas t’élever
Au-dessus des grands noms que le public honore,