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Jeune et belle, en pleurant monta la pauvre Jeanne.
Ces soldats ramassés sur les sillons sanglants,
Saisis par l’ennemi, quand leurs cris haletants
Demandaient vainement cette mort qui délivre,
Ont renvoyé vers Dieu leurs cœurs lassés de vivre.
Le trépas sous son aile a caché leurs regrets
Et le ponton hideux garde bien ses secrets.
Suppliant sur le seuil enchaîné par son hôte,
Leur chef traîna longtemps sa souffrance plus haute.
Par sa pensée errante, évoqués, chaque jour
Ils venaient lui former une muette cour ;
Puis, quand il fut tombé, sous l’argile étrangère,
Il dormit quatorze ans couché dans sa misère,
Et s’il a, maintenant, un tombeau près de nous
Son ame n’est plus là pour crier : vengez-vous !

Oh ! France, vieille mère, il serait beau, peut-être,
D’être moins oublieuse et de mieux reconnaître
Pour des fils vénérés ces martyrs, ces héros,
En repoussant, du moins, la main de leurs bourreaux.
Au reste, laisse faire à cette mer brumeuse,
Que l’on nomme avenir, sa vague est paresseuse,
Que la voile au hasard vole ou sombre en voguant ;
Attends que Dieu sur elle appelle l’ouragan,
Car tu peux, après tout, oublier tes injures,
Puisque ton bras est fort et que tes mains sont pures.

Dormez donc dans l’oubli, dormez, ô nobles morts.
L’Anglais en frémissant passe devant nos forts.
De son berceau Cherbourg a secoué les langes :
Il est plein de canons, plein de rumeurs étranges ;
Force, grâce, beauté le parent tous les jours,
Son front, comme Cybèle, est couronné de tours ;
La mer l’endort heureux dans le fond de sa rade,
Et, quand il suit des quais la longue promenade,
L’étranger voit, à l’heure où le ciel clair et pur
Laisse la lune errer sur des chemins d’azur,
Où brillent de clartés les bruyères du Roule,
Où la brume sur l’eau lentement se déroule,