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Mais chaque être nourrit diverses espérances.
Tout homme a ses plaisirs, tout cœur ses préférences.
Si dans le marbre abrupte où taille ton ciseau,
Tu cherches avant tout le vrai, frère du beau,
Si tu rends à tout siècle un immortel hommage,
Si tu peux présenter aux ombres du vieil âge,
Parmi le peuple froid de ton inonde d’airain,
Charlemagne, à cheval et le globe à la main,
Si tu sculptas, un jour, les beaux traits de Tourville
Échappant sur les mers à Versailles servile
Au moment où, vaincu, par le nombre écrasé,
Il sacre, en l’achevant, le malheur commencé,
Sous un masque de marbre emprisonne sa fougue,
Et brûle ses vaisseaux sur les flots de la Hougue ;[1]
Il est sur le terrain des siècles révolus,
Des sentiers escarpés à tes pas mieux connus,
Il est parmi nos jours de désastre et de gloire,
Des jours dont tu te plais à buriner l’histoire,
Époque de forfaits et de grandes vertus,
Champ où fut retrouvé le glaive de Brutus.
Lutte où la mort brisa plus d’un cœur héroïque,
Coupe mystérieuse où l’enchanteur stoïque,
Appelant sur sa tête un orage éternel,
Versa l’absinthe à flots pour composer le miel.[2]

Oui, tu te plais au bruit des Bastilles qui tombent,
Aux sinistres clameurs des partis qui succombent.
Quand un rayon brillant inonde l’atelier,
Que, poussé par ta verve, il te faut travailler,
Souvent des chants, des cris viennent à ton oreille,
Sons qu’aime ton génie et dont l’appel l’éveille ;
C’est le grondement sourd du canon ennemi,

  1. Le modèle seul de la statue de Charlemagne a été fait. La photographie peut donner une idée assez vive de ce groupe qui est une véritable création.

    Le buste de Tourville, un des premiers ouvrages de Levéel, est déposé dans la salle du conseil général, Hôtel-de-Ville de St-Lô.

  2. Armand Levéel s’est, surtout, inspiré des scènes, des caractères, des physionomies de l’épopée républicaine, qui, pour nous, va du 5 mai 1789 au 5 mai 1821, de l’ouverture des États-Généraux à la mort de Napoléon Ier.