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Iris fendait les cieux, messagère inquiète,
Apollon s’asseyait à la table d’Admède,
Vénus allait dansant sur l’herbe de Paphos,
Platon à Sunium méditait près des flots,
Démosthène parlait à la foule agitée,
Le Caucase tremblait des cris de Prométée,
Les guerriers vers le ciel levaient leurs étendards,
Tous se tournaient vers toi, tous cherchaient tes regards.

Et tu les fixais bien ; mais ils voyaient ta face,
Comme un lac sur lequel nulle brise ne passe,
Comme un domaine inculte et pur de tout sillon,
Les contempler sans ride et sans émotion.
Tu semblais réfléchir ; tu te disais sans doute
Qu’en avançant vers eux tu ferais fausse route,
Que jadis des sculpteurs les avaient illustrés,
Que, sans donner un corps à des noms ignorés,
Le pays qui devait admirer ta jeunesse,
Bien qu’il ne brillât pas du soleil de la Grèce
Avait d’autres héros plus grands et moins anciens.

Dès ce jour tout fut dit : ces héros furent tiens,
Et lu t’épris d’amour pour nos vastes annales.
Pour les portails béants des vieilles cathédrales,
Pour les groupes rieurs portant les bénitiers,
Grimaçant en cordon à l’entour des piliers,
Pour les princes couchés dans leur mante guerrière,
Pour les prélats priant dans leurs livres de pierre,
Pour les murs de l’abside où l’artiste moqueur
Sculpta de son ciseau satyrique et censeur,
Sous le jour des vitraux peints de saintes légendes,
Des moines avinés dansant des sarabandes,

À d’autres les beaux chœurs et les sages antiques,
La Canéphore aux Dieux chantant de longs cantiques,
La Vestale qui craint quand un doux entretien
A jeté sur l’autel l’ombre du Tarpéien !
À peine voudrais-tu sculpter Caton d’Utique
Achevant, lorsqu’il meurt sur un glaive stoïque
En bénissant ses Dieux dont il avait douté,
Son hymen virginal avec la liberté.