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LE ROI DES ÉCREHOU


I

Je les guettais depuis longtemps — mettant leur déchirure d’écueils, à moitié route, entre la plage de Carteret et l’île normande de Jersey.

Tantôt haussés sur la mer, tantôt au ras des vagues noirs ou bleus, rapprochés ou lointains, au jeu du temps et des marées, ils me tentaient depuis mon enfance, depuis ces jours d’été où je grimpais, pour mieux les voir, sur le mur du jardin de la mère Vigot, tout fleuri de criste-marines.

Les grandes îles de l’archipel de la Manche, Jersey, Guernesey, Aurigny, que visitent les paquebots, où il y a des routes tracées, des champs arables, des maisons, des hameaux, des cités, ne disaient rien à mon imagination, à mes instincts nativement sauvages. Il me fallait des Écrehou. Je rêvais d’en être le Robinson. Les gens de la côte m’en racontaient des merveilles. C’étaient des pêches miraculeuses, des homards, des poings-clos, des étrilles sous toutes les pierres, des crevettes roses, des coquillages, des floraisons étranges dans toutes les mares, des poissons argentés que