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Ironie ou naïveté ? En tout cas, jamais cheval n’est venu ni ne viendra aux Écrehou. L’hôtel était, du reste, parfaitement désert.

Et voilà de quelle façon, avec quelles inscriptions baroques, rédigées en français de Jersey, les Anglais mettent tout doucement la main sur ces rochers regardés jusqu’ici comme une zone neutre. On m’avait parlé à Carteret de cette prise de possession, qui n’est pas, du reste, définitive. L’affaire est pendante au ministère des affaires étrangères, où nous avons, hélas ! d’autres Chinois à fouetter. En attendant que la question soit vidée, nos pêcheurs n’en ont pas moins été prévenus, au mois de mars dernier, par le commandant de la station de Granville, qu’en allant pêcher aux Écrehou, ils y allaient à leurs risques et périls. C’est un commencement d’interdit. Tous ces braves gens ne sont pas sans inquiétude. J’apporte ici leurs doléances. Les Écrehou aux Anglais, c’est pour les Jersiais le droit de pèche exclusif dans ces parages, c’est pour nos pêcheurs la fermeture de ces bancs poissonneux : les Basses de Taillepied, les Bancs fêlés, le Banc de l’Écrévière, les Dirouilles, etc., où ils avaient l’habitude de travailler, de mener leurs barques, de père en fils.

Les Anglais sont nos bons amis : ils ne nous perdent pas de vue, nous suivent partout, prêts à nous couper l’herbe sous le pied — sans doute pour nous faire la voie plus nette : on cite l’Égypte, Madagascar, la Chine etc.. Il faut y joindre les Écrehou.

Quand j’entrai dans la maison de la Marmottière, mes trois amis ronflaient comme des chantres ; un bruit joyeux les réveilla, celui d’une friture de lançons que je faisais sauter dans la poêle pour le déjeuner.